Des brumes de Bretagne à celles, éloignées du Japon, Yannick Ballif inscrit son parcours esthétique sous le signe du voyage.

 

« Enfant, je gardais soigneusement les mines cassées de mes crayons. Mon intention était de les déposer au pied de la cheminée quelques jours avant la Saint Nicolas; le temps nécessaire pour lui de les recoller et en faire de nouveaux crayons. Le tout était accompagné d’une lettre lui précisant bien mes souhaits.
J’en ai retrouvé une, adressée « Au Grand Saint Nicolas, Paradis de l’Univers Bleu ».
Ce cérémonial était précédé pendant des mois par un jeu merveilleux: la danse des mines. Une grande boite plate contenait mon trésor et il me suffisait d’un léger mouvement pour les envoyer toutes dans un coin, et la valse commençait! Rouge, bleu, vert, jaune tournoyaient et c’était l’extase. Extase ambiguë à laquelle se mêlait le regret de mes crayons défunts et la culpabilité devant toutes ces mines cassées.
Le 6 décembre, c’était le miracle. Au pied de la cheminée, une grande boite m’attendait, arc en ciel au milieu des guirlandes d’argent. Je découvrais des dégradés de bleus, de rouges, d’oranges, de verts, de roses…
Joyeusement j’inaugurais mon nouveau cahier de dessins.
J’aimais dessiner des « chinoises » avec des aiguilles à tricoter dans les cheveux, des pommes avec des ombres rouges et des feuilles vertes, des raisins bien ronds avec une pointe de lumière. Des caravelles toutes voiles dehors au milieu des vagues, et des rose des vents, très géométriques, et faite au compas.
J’ai toujours un de ces cahiers d’enfance.
Aujourd’hui, devant mes centaines de bâtons de pastel, je n’ai qu’une certitude, celle de n’avoir pas changé. »

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